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plus effacé, plus vague, plus imaginaire que les images qu’il évoquait.

Maurice, devenu très bon, fut sensible à cette marque d’amitié.

— Asseyez-vous, monsieur Sariette, vous connaissez madame des Aubels. Je vous présente Arcade, mon ange gardien. C’est lui qui, tandis qu’il était invisible, a saccagé pendant deux ans votre bibliothèque, vous a fait perdre le boire et le manger et mis à deux doigts de la folie. C’est lui qui transportait de la salle des Sphères dans mon pavillon des tas de vieux livres. Il enleva un jour, à votre nez, je ne sais quel bouquin précieux et fut cause que vous êtes tombé dans l’escalier. Un autre jour, il vous prit une brochure de monsieur Salomon Reinach et, forcé de sortir avec moi (car il ne me quittait jamais, comme je l’ai su depuis), il laissa tomber la brochure dans le ruisseau de la rue Princesse. Excusez-le, monsieur Sariette, il n’avait pas de poches. Il était invisible. Je regrette amèrement, monsieur Sariette, que tous vos bouquins n’aient pas été dévorés par un incendie ou noyés dans une inondation. Ils ont fait perdre la tête à mon ange, qui s’est fait