Page:Anatole France - La Révolte des anges.djvu/354

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Vous avez étudié le pragmatisme ?

— N’en croyez rien ! J’étais frivole autrefois et m’occupais de métaphysique. Je lisais Hégel et Kant. Je suis devenu sérieux avec l’âge et ne m’occupe plus que des formes sensibles, de ce que l’œil ou l’oreille peut saisir. L’art c’est tout l’homme. Le reste n’est que rêverie.

La conversation continua ainsi jusqu’au soir, et il y fut dit des obscénités à faire rougir non seulement un cuirassier, ce qui n’est pas beaucoup dire, car les cuirassiers sont souvent chastes, mais encore une Parisienne.

M. Sariette vint voir son ancien élève. Quand il entra dans la chambre, le buste d’Alexandre d’Esparvieu apparut au-dessus de la tête chauve du bibliothécaire. Il approcha du lit. Aux rideaux bleus, à l’armoire à glace, à la cheminée, se substituèrent aussitôt les armoires pleines de livres de la salle des Sphères et des Bustes, et l’air fut aussitôt étouffé par des cartons, des dossiers et des fiches. M. Sariette n’était pas assez distinct de sa bibliothèque pour qu’on pût le concevoir ni le voir sans elle. Il était lui-même plus pâle,