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l’ange philosophe, qui termina son discours au milieu de l’indifférence générale.

La tribune retentit ensuite d’appels aux armes et de promesses de victoire. On y célébra l’épée qui défend les justes causes. Le triomphe des anges révoltés y fut vingt fois célébré par avance, aux applaudissements d’une foule en délire. Les cris de : « Vive la guerre ! » montèrent vers les cieux muets.

Au milieu de ces transports, le prince Istar se hissa sur l’estrade et le plancher gémit sous son poids.

— Compagnons, dit-il, vous voulez la victoire, et c’est un désir bien naturel. Mais il faut que vous soyez pourris de littérature et de poésie pour la demander à la guerre. L’idée de faire la guerre ne peut plus entrer aujourd’hui que dans des cervelles de bourgeois abrutis ou de romantiques attardés. Qu’est-ce que la guerre ? Une mascarade burlesque devant laquelle s’exalte stupidement le lyrisme des guitaristes patriotes. Si Napoléon avait eu une intelligence pratique, il n’aurait pas fait la guerre : mais c’était un rêveur, enivré d’Ossian. Vous criez : « Vive la guerre ! » Vous êtes des