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M. Sariette écoutait volontiers. Le père Guinardon entretenait préférablement son ami de la chapelle des Anges, à Saint-Sulpice, dont les peintures s’écaillaient par endroits, et qu’il devait restaurer, quand il plairait à Dieu, car, depuis la Séparation, les églises n’appartenaient plus qu’à Dieu et personne n’assumait la charge des réparations les plus urgentes. Mais le père Guinardon ne réclamait nul salaire.

— Michel est mon patron, disait-il, et j’ai une dévotion spéciale aux Saints Anges.

Après avoir fait une partie de dominos, M. Sariette, tout menu, et le père Guinardon, robuste comme un chêne, chevelu comme un lion, grand comme un saint Christophe, s’en allaient côte à côte, devisant, par la place Saint-Sulpice, sous la nuit ou clémente ou furieuse. M. Sariette rentrait tout droit dans son logis, au grand regret du peintre, qui était conteur et noctambule.

Le lendemain, M. Sariette reprenait, à sept heures sonnantes, sa place à la bibliothèque, et cataloguait. Cependant, assis à son bureau, il jetait à tout venant un regard de Méduse, dans la crainte que ce ne fût un emprunteur de