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de douleur, s’abattre contre le piano qui en poussa un long gémissement, tandis que les bombes, échappées des poches où elles étaient renfermées, roulaient sur le parquet avec un bruit de tonnerre. Et Bouchotte, les cheveux épars, un sein nu, belle et terrible, brandissant le tisonnier sur le colosse abattu, criait :

— File doux ! ou je te crève les yeux.

Le prince Istar s’alla laver à la cuisine et plongea son visage ensanglanté dans une terrine où trempaient des haricots de Soissons, puis il se retira sans colère ni ressentiment, car il avait l’âme haute.

À peine était-il dehors, que la sonnette de la porte tinta. Bouchotte appela vainement la bonne absente, passa une robe de chambre et ouvrit elle-même. Un jeune homme très correct et assez joli salua avec politesse, s’excusa d’être forcé de se présenter lui-même et se nomma. C’était Maurice d’Esparvieu.

Maurice cherchait sans cesse son ange gardien. Soutenu par une espérance désespérée, il le cherchait dans les lieux les plus étranges. Il l’allait demander aux sorciers, aux mages, aux thaumaturges qui, dans d’infects taudis, décou-