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— Voici, dit-il : « L’Épée est une vierge farouche. C’est l’arme française par excellence. À une époque où le sentiment national, après une trop longue éclipse, rayonne plus ardemment que jamais, etc… » Vous sentez ?…

Et il renouvela sa demande de quelque belle pièce qu’on placerait au premier rang dans cette exposition pour l’œuvre des petits Marocains, sous la présidence d’honneur du général d’Esparvieu.

Le père Guinardon s’occupait fort peu d’armes : il vendait surtout des tableaux, des dessins et des livres. Mais on ne le prenait jamais sans vert. Il décrocha une rapière à coquille en passoire d’un Louis XIII-Napoléon III très caractérisé, et la tendit à l’entrepreneur d’exposition qui la contempla avec quelque respect, dans un silence prudent.

— J’ai mieux encore, fit l’antiquaire.

Et il tira de son arrière-boutique, où elle gisait avec les cannes et les parapluies, une grande diablesse d’épée fleurdelisée, vraiment royale : c’était celle de Philippe-Auguste portée par un acteur de l’Odéon dans les représentations d’Agnès de Méranie, en 1846. Gui-