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poussant des pygmées par centaines de mille les uns contre les autres, amusements d’un enfant grand comme le monde. Il était trop avisé pour ne pas mettre dans son jeu le vieux Iahveh, encore puissant sur la terre, et qui lui ressemblait par l’esprit de violence et de domination. Il le menaça, le flatta, le caressa, l’intimida. Il lui emprisonna son vicaire auquel il demanda, le couteau sur la gorge, l’onction qui, depuis l’antique Saül, rend les rois forts ; il restaura le culte du Démiurge, lui chanta des Te Deum et se fit reconnaître, par lui, Dieu sur la terre, en de petits catéchismes répandus dans tout l’Empire. Ils unirent leurs tonnerres et ce fut un beau vacarme.

» Pendant que les amusements de Napoléon bouleversaient l’Europe, nous nous félicitions de notre sagesse, un peu tristes toutefois de voir l’ère de la philosophie s’ouvrir par des massacres, des supplices et des guerres. Le pis est que les enfants du siècle, tombés dans le dérèglement le plus affligeant, conçurent un christianisme pittoresque et littéraire, qui témoigne d’une débilité d’esprit vraiment incroyable et, finalement, tombèrent dans le