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naître, ou sachant du moins nous deviner, ils éprouvaient pour nous de la crainte et de l’amitié. Les plus sages d’entre eux nous épiaient en une sainte horreur et méditaient nos enseignements. Dans leur reconnaissance, les peuples de la Grèce et de l’Asie nous consacraient des pierres, des arbres, des bois ombreux, nous offraient des victimes, nous chantaient des hymnes ; enfin, nous étions des dieux pour eux et ils nous nommaient Horus, Isis, Astarté, Zeus, Pallas, Cybèle, Déméter et Triptolème. Satan était adoré sous les noms de Dionysos, d’Evan, d’Iacchos et de Lénée. Il montrait dans ses apparitions autant de force et de beauté qu’en peuvent concevoir les humains. Ses yeux avaient la douceur des violettes des bois ; sur ses lèvres brillait le rubis des grenades ouvertes ; un duvet, plus fin que le velours des pêches, couvrait ses joues et son menton ; sa blonde chevelure, tressée en diadème et nouée mollement au sommet de la tête, était ceinte de lierre. Il charmait les bêtes féroces et, pénétrant dans les forêts profondes, attirait à lui tous les esprits sauvages, tout ce qui grimpait dans les arbres et mon-