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encre violette et de la grandeur d’un pois.

— Oui, voilà, dit le père Sariette, qui ne perdait pas le Lucrèce des yeux, voilà la trace qu’ont laissée sur ce livre ces monstres invisibles…

— Comment ? monsieur Sariette, il y en avait donc plusieurs ? s’écria Maurice.

— Je l’ignore. Mais je ne sais si j’ai le droit de faire disparaître cette tache qui, comme le pâté d’encre que Paul-Louis Courier fit sur le manuscrit de Florence, constitue, pour ainsi dire, un document littéraire.

À peine le vieillard avait-il prononcé ces paroles, que le timbre de la porte d’entrée résonna et qu’un grand tumulte de pas et de voix éclata dans la salle voisine. Sariette courut au bruit et se heurta contre la maîtresse du père Guinardon, la vieille Zéphyrine qui, les cheveux hérissés comme un nid de vipères, la face flamboyante, la poitrine orageuse, son ventre en édredon soulevé par une tempête épouvantable, suffoquait de douleur et de rage. Et à travers sanglots, soupirs, gémissements, et mille sons encore qui, sortant de son corps, composaient tous les bruits qu’élèvent sur la