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— Quelle erreur, répliquait Arcade, de croire à de brusques et grands changements dans l’ordre social en Europe ! La vieille société est jeune encore de puissance et de force. Les moyens de défense dont elle dispose sont formidables. Le prolétariat, au contraire, esquisse à peine une organisation défensive et n’apporte dans la lutte que faiblesse et confusion. Dans notre patrie céleste, il en va tout autrement : sous une apparence immuable tout est pourri ; il suffit d’un coup d’épaule pour renverser cet édifice qui n’a pas été touché depuis des milliards de siècles. Vieille administration, vieille armée, vieilles finances, tout cela est plus vermoulu que l’autocratie russe ou persane.

Et l’aimable Arcade adjurait le kéroub de voler d’abord au secours de ses frères plus misérables, dans les molles nuées, au son des cithares, parmi les coupes des vins paradisiaques, que les hommes courbés sur la terre avare ; car ceux-ci conçoivent la justice et les anges se réjouissent dans l’iniquité. Il l’exhortait à délivrer le Prince de la lumière et ses compagnons foudroyés et à les rétablir dans leurs antiques honneurs.