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— C’est ce qui manque le plus à notre peuple, dit-elle : il ne pense pas.

Et elle ajouta presque aussitôt :

— Mais sur quoi les intelligences pourraient-elles s’aiguiser dans un pays où le climat est doux et l’existence facile ? Ici même, où le besoin sollicite les esprits, rien n’est plus rare qu’un être pensant.

— Toutefois, répliqua l’ange gardien de Maurice, les hommes ont créé la science. Il importe de la faire pénétrer dans le ciel. Quand les anges posséderont des notions de physique, de chimie, d’astronomie, de physiologie, lorsque l’étude de la matière leur fera apparaître des univers dans un atome, et un atome dans des myriades de soleils, et qu’ils se verront perdus entre ces deux infinis, lorsqu’ils pèseront, mesureront les astres, en analyseront la substance, en calculeront les orbites, ils croiront que ces monstres obéissent à des forces que nuls esprits ne peuvent définir, ou qu’ils ont chacun leur démon topique, leur dieu indigète ; et ils concevront que les dieux d’Aldébaran, de Bételgeuse, de Sirius sont plus grands qu’Ialdabaoth. Lorsque, jetant ensuite un regard pro-