couvertes de buée. Arrêtant là ses pas, Arcade pénétra dans la salle où s’exhalaient des odeurs grasses et chaudes, agréables aux malheureux transis de froid et de faim. D’un coup d’œil, il y vit des nihilistes russes, des anarchistes italiens, des réfugiés, des conspirateurs, des révoltés de tous les pays, vieilles têtes pittoresques, d’où coulent la chevelure et la barbe comme des rochers les torrents et les cascades, jeunes visages d’une dureté virginale, regards sombres et farouches, pâles prunelles d’une douceur infinie, faces torturées, et dans un coin deux femmes russes, l’une très belle, l’autre hideuse, toutes deux pareilles en leur égale indifférence à la laideur comme à la beauté. Mais ne trouvant point la figure qu’il cherchait, car il n’y avait point d’anges dans la salle, il prit place à une petite table de marbre restée libre.
Les anges, sous l’aiguillon de la faim, mangent ainsi que les animaux terrestres, et leur nourriture, transformée par la chaleur digestive, s’identifie à leur céleste substance. Ayant vu trois anges sous les chênes de Mambré, Abraham leur offrit des gâteaux pétris par Sarah, un veau tout entier, du beurre et du lait, et ils