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LE TYRAN

Si certains sont tentés de répandre, imprudents !
Le miel que sur leur langue a mis l’Abeille antique,
Qu’ils se coupent plutôt la langue avec leurs dents, —
Pour que vous l’approuviez, voici ma politique.

LE CHŒUR

Parle, et ne crains plus, roi, l’Abeille et son miel d’or :
Sur des lèvres sans voix l’Abeille est expirée ;
Son miel, trop fort pour nous, en paix suinte encor
Aux fentes des tombeaux sur la route sacrée.

LE TYRAN

Or, vous saurez ceci de moi, qu’une cité
Ne vaut pas tant par l’or qui sort des lèvres sages,
Que par le fer aigu que portent au côté
Ceux qui font dans le sang fleurir les nouveaux âges.

LE CHŒUR

Je suis de ton avis, ô roi, me souvenant
Que l’an dernier, trois cents bonnes têtes civiques,
En vérité faisaient un effet surprenant
Sur les murs ennemis, mornes, au bout des piques.

LE TYRAN

Et je vous dis ceci : quand sous le hêtre épais,
Assis pour vous juger, je tiendrai la balance,
J’ordonne que vous tous me regardiez en paix
Au plateau des amis jeter mon fer de lance.

LE CHŒUR

Devant ta chaise d’or nous nous tiendrons soumis.
Roi, nous haïssons tous les balances égales,