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Vous connaissez M. l’abbé Lantaigne, supérieur du grand séminaire de notre ville. C’est un prêtre éminent par sa vertu et par sa science, un grand théologien.

— Je me suis rencontré plusieurs fois avec M. l’abbé Lantaigne. Il a produit sur moi une impression favorable. Mais…

— Oh ! mon général, si vous aviez entendu comme moi ses conférences, vous seriez confondu de son savoir. Encore n’ai-je pu en apprécier qu’une faible partie. J’ai passé trente ans de ma vie à rappeler le bon Dieu à de pauvres soldats couchés dans un lit d’hôpital. Je leur coulais un pieux conseil avec un cornet de tabac. Depuis vingt-cinq ans je confesse de saintes filles, pleines de mérite assurément, mais d’un caractère moins agréable que n’étaient mes soldats. Je n’ai jamais eu le temps de lire les Pères ; je n’ai pas assez d’esprit ni de théologie pour apprécier à son mérite M. l’abbé Lantaigne, qui est une bibliothèque vivante. Du