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sentir ; Son Éminence ne méconnaissait pas l’esprit de finesse et de douceur dont M. Guitrel avait donné des preuves dans le diocèse. D’un autre côté, il croyait ce Guitrel capable de tout. « Qui sait, pensait-il, s’il ne médite point, au lieu d’aller dans cette petite et noire métropole des Gaules septentrionales, de se faire nommer ici mon coadjuteur ? Et si je le déclare digne de l’épiscopat, ne croira-t-on pas que je le désigne pour partager mon siège ? » Cette crainte qu’on ne lui donnât un coadjuteur empoisonnait la vieillesse de Monseigneur Charlot. À l’endroit de M. l’abbé Lantaigne, il avait de fortes raisons de se taire et de se réserver. Il n’aurait pas appuyé la candidature de ce prêtre pour cette seule raison qu’il en prévoyait l’échec. Monseigneur Charlot ne se rangeait pas volontiers du côté des vaincus. De plus, il détestait le supérieur du grand séminaire. À la vérité, cette haine, dans une âme douce et facile comme la sienne, n’était pas