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professe la République, il aurait encore un beau rôle à jouer.

Et, dans la fumée de son gros cigare, il exposa sur la religion des idées qui témoignaient d’une ignorance dont M. Guitrel fut intérieurement consterné. Le préfet cependant se disait plus chrétien que beaucoup de chrétiens et, dans un langage de loge maçonnique, il vantait la morale de Jésus et rejetait pêle-mêle les superstitions locales et les dogmes fondamentaux, les aiguilles jetées dans la piscine de saint Phal par les filles à marier et la présence réelle dans l’Eucharistie. M. Guitrel, d’âme facile, mais incapable de rien céder sur le dogme, balbutiait :

— Il faut distinguer, monsieur le préfet, il faut distinguer.

Pour faire diversion, il tira d’une poche de sa douillette un rouleau de parchemin qu’il ouvrit sur le comptoir. C’était une grande page de plain-chant, avec un texte