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fréquent que le meurtre produirait-il des effets rares et singuliers ? Tuer est ordinaire à l’animal et surtout à l’homme. Le meurtre a été longtemps estimé dans les sociétés humaines comme une forte action et il subsiste encore dans nos mœurs et dans nos institutions des traces de cette antique estime.

— Quelles traces ? demanda M. de Terremondre.

— Elles se retrouvent, répondit M. Bergeret, dans les honneurs qu’on rend aux militaires.

— Ce n’est pas la même chose, dit M. de Terremondre.

— Assurément, dit M. Bergeret. Mais toutes les notions humaines ont pour mobile la faim ou l’amour. La faim instruisit les barbares au meurtre, les poussa aux guerres, aux invasions. Les peuples civilisés sont comme les chiens de chasse. Un instinct corrompu les excite à détruire sans profit ni raison. La déraison des guerres modernes