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un cigare à M. Guitrel. Dans son ignorance, il croyait, par ce présent, induire le porteur de soutane en péché, le faire tomber dans la désobéissance, peut-être dans le sacrilège et presque dans l’apostasie. Mais M. Guitrel prit tranquillement le cigare, le coula avec précaution dans la poche de sa douillette et dit, de bonne grâce, qu’il le fumerait après souper, dans sa chambre.

Ainsi M. le préfet Worms-Clavelin et M. l’abbé Guitrel, professeur d’éloquence sacrée au grand séminaire, conversaient dans le cabinet de l’orfèvre. Près d’eux, Rondonneau jeune, fournisseur de l’archevêché, qui travaillait aussi pour la préfecture, assistait discrètement à l’entretien sans y prendre part. Il faisait son courrier, et son crâne lisse allait et venait parmi les registres et les échantillons d’orfèvrerie commerciale, amoncelés sur la table.

Brusquement, M. le préfet se mit debout, poussa M. l’abbé Guitrel à l’autre extrémité