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rait des imprécations ; il mâchait, comme le marin son bitord, ses menaces accoutumées : « Tas de gredins, crapules ! Je leur crèverai le ventre !… » Ce qui semblera presque incroyable, les acclamations de tout un peuple, il ne les entendait pas, et ses rares accusateurs qu’on croyait dispersés, détruits, réduits en poussière, seuls il les voyait, debout, menaçants, en face de lui. Et l’épouvante, à leur vue, agrandissait ses prunelles jaunes. Ces gens-là n’étaient qu’une poignée ; mais il sentait qu’ils ne lâcheraient pas le morceau.

Sa fureur consternait la tendre madame de Bonmont qui, de ces lèvres sur lesquelles elle épiait des baisers et des paroles d’amour, n’entendait sortir que des cris rauques de haine et de vengeance. Et elle était d’autant plus surprise et troublée que les menaces de mort que proférait son amant s’adressaient autant aux amis qu’aux ennemis. Car, lorsqu’il parlait de crever des ventres, Raoul ne