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Maintenant son honneur reluisait ; son honneur s’allumait sur la nation entière comme, dans une nuit de fête, une immense croix d’honneur. Au Palais de Justice, au Moulin-Rouge, il traversait la foule au milieu des acclamations. Et les princes imploraient la faveur de lui serrer la main.

Pourtant Raoul n’était pas tranquille. Dans le petit entresol tendu de bleu céleste qui abritait ses amours avec madame de Bonmont, il demeurait sombre et violent. Là, tandis que son honneur et ses louanges montaient à ses oreilles dans les bruits de la ville ; alors qu’il ne pouvait entendre ni les roues d’un omnibus ébranler les murailles, ni la corne d’un tram déchirer l’air sans se dire raisonnablement que roulaient en ce moment par la rue des soutiens et des garants de son honneur, il restait plongé dans des pensées amères et noires ; il nourrissait des desseins funestes. Fronçant les sourcils et grinçant des dents, il murmu-