Page:Anatole France - L’Anneau d’améthyste.djvu/203

Cette page a été validée par deux contributeurs.

vérité. C’est ce qui me soutient dans les épreuves que je traverse en ce moment.

— Puissiez-vous avoir raison, monsieur le recteur, dit M. Bergeret. Mais, en thèse générale, je crois que la connaissance qu’on a des faits et des hommes est rarement conforme aux hommes eux-mêmes et aux faits accomplis, que les moyens par lesquels notre esprit peut approcher de cette conformité sont incomplets et insuffisants et que si le temps en découvre de nouveaux il en détruit encore plus qu’il n’en apporte. À mon sens, madame Roland, dans sa prison, montrait dans la justice humaine une confiance un peu naïve quand elle en appelait, d’un cœur si ferme et d’un esprit si sûr, à l’impartiale postérité. La postérité n’est impartiale que si elle est indifférente. Et ce qui ne l’intéresse plus, elle l’oublie. Elle n’est point un juge, comme le croyait madame Roland. Elle est une foule, une foule aveugle, étonnée, misérable et vio-