Page:Anatole France - L’Affaire Crainquebille.djvu/29

Cette page a été validée par deux contributeurs.
L’AFFAIRE CRAINQUEBILLE

çaise prétend encore ne pas relever de la puissance pontificale. Crainquebille pouvait dire avec quelque raison :

— Messieurs les juges, le Président Loubet n’étant pas oint, ce Christ, pendu sur vos têtes, vous récuse par l’organe des Conciles et des Papes. Ou il est ici pour vous rappeler les droits de l’Église, qui infirment les vôtres, ou sa présence n’a aucune signification raisonnable.

À quoi le président Bourriche aurait peut-être répondu :

— Inculpé Crainquebille, les rois de France ont toujours été brouillés avec le Pape. Guillaume de Nogaret fut excommunié et ne se démit pas de ses charges pour si peu. Le Christ du prétoire n’est pas le Christ de Grégoire VII et de Boniface VIII. C’est, si vous voulez, le Christ de l’Évangile, qui ne savait pas un mot de droit canon et n’avait jamais entendu parler des sacrées Décrétales.

Alors il était loisible à Crainquebille de répondre :

— Le Christ de l’Évangile était un bousingot. De plus, il subit une condamnation que, depuis dix-neuf cents ans, tous les peuples chrétiens considèrent comme une grave erreur judiciaire. Je

13