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À ces mots, le moine Magis atteint en trois bonds la femme pingouine, la soulève, l’emporte repliée sous son bras, la chevelure traînante, et la jette épouvantée aux pieds du saint homme Maël.

Et tandis qu’elle pleure et le supplie de ne lui point faire de mal, il tire de son coffre une paire de sandales et lui ordonne de les chausser.

— Serrés dans les cordons de laine, ses pieds, fit-il observer au vieillard, en paraîtront plus petits. Les semelles, hautes de deux doigts, allongeront élégamment ses jambes et le faix qu’elles portent en sera magnifié.

Tout en nouant ses chaussures, la pingouine jeta sur le coffre ouvert un regard curieux, et, voyant qu’il était plein de joyaux et de parures, elle sourit dans ses larmes.

Le moine lui tordit les cheveux sur la nuque et les couronna d’un chapeau de fleurs. Il lui entoura les poignets de cercles d’or et, l’ayant fait mettre debout, il lui passa sous les seins et sur le ventre un large bandeau de lin, alléguant que la poitrine en concevrait une fierté nouvelle et que les flancs en seraient évidés pour la gloire des hanches.

Au moyen des épingles qu’il tirait une à une de sa bouche, il ajustait ce bandeau.

— Vous pouvez serrer encore, fit la pingouine.

Quand il eut, avec beaucoup d’étude et de soins, contenu de la sorte les parties molles du buste, il