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Les pères et les docteurs en tombèrent d’accord, et leur perplexité n’en devint que plus cruelle.

— L’état de chrétien, dit saint Corneille, ne va pas sans de graves inconvénients pour un pingouin. Voilà des oiseaux dans l’obligation de faire leur salut. Comment y pourront-ils réussir ? Les mœurs des oiseaux sont, en bien des points, contraires aux commandements de l’Église. Et les pingouins n’ont pas de raison pour en changer. Je veux dire qu’ils ne sont pas assez raisonnables pour en prendre de meilleures.

— Ils ne le peuvent pas, dit le Seigneur ; mes décrets les en empêchent.

— Toutefois, reprit saint Corneille, par la vertu du baptême, leurs actions cessent de demeurer indifférentes. Désormais elles seront bonnes ou mauvaises, susceptibles de mérite ou de démérite.

— C’est bien ainsi que la question se pose, dit le Seigneur.

— Je n’y vois qu’une solution, dit saint Augustin. Les pingouins iront en enfer.

— Mais ils n’ont point d’âme, fit observer saint Irénée.

— C’est fâcheux, soupira Tertullien.

— Sans doute, reprit saint Gal. Et je reconnais que le saint homme Maël, mon disciple, a, dans son zèle aveugle, créé au Saint-Esprit de