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vierges et des veuves, recevoir des grâces et s’unir à…

Saint Damase ne le laissa point achever :

— Cela prouve, dit-il vivement, que le baptême était inutile ; cela ne prouve pas qu’il ne soit pas effectif.

— Mais à ce compte, répliqua saint Guénolé, on baptiserait au nom du Père, du Fils et de l’Esprit, par aspersion ou immersion, non seulement un oiseau ou un quadrupède, mais aussi un objet inanimé, une statue, une table, une chaise, etc. Cet animal serait chrétien, cette idole, cette table seraient chrétiennes ! C’est absurde !

Saint Augustin prit la parole. Il se fit un grand silence.

— Je vais, dit l’ardent évêque d’Hippone, vous montrer, par un exemple, la puissance des formules. Il s’agit, il est vrai, d’une opération diabolique. Mais s’il est établi que des formules enseignées par le Diable ont de l’effet sur des animaux privés d’intelligence, ou même sur des objets inanimés, comment douter encore que l’effet des formules sacramentelles ne s’étende sur les esprits des brutes et sur la matière inerte ? Voici cet exemple :

» Il y avait, de mon vivant, dans la ville de Madaura, patrie du philosophe Apulée, une magicienne à qui il suffisait de brûler sur un trépied, avec certaines herbes et en prononçant certaines