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des buissons de roses revêtaient le mur de leur cabane ; une peau de chèvre couvrait leurs membres hâlés ; leurs femmes s’habillaient de la laine qu’elles avaient filée. Les chevriers pétrissaient dans l’argile de petites figures d’hommes et d’animaux ou disaient des chansons sur la jeune fille qui suit son amant dans les bois et sur les chèvres qui paissent tandis que les pins bruissent et que l’eau murmure. Le maître s’irritait contre les scarabées qui mangeaient ses figues ; il méditait des pièges pour défendre ses poules du renard à la queue velue, et il versait du vin à ses voisins en disant :

— Buvez ! Les cigales n’ont pas gâté ma vendange ; quand elles sont venues les vignes étaient sèches.

Puis, au cours des âges, les villages remplis de biens, les champs lourds de blé furent pillés, ravagés par des envahisseurs barbares. Le pays changea plusieurs fois de maîtres. Les conquérants élevèrent des châteaux sur les collines ; les cultures se multiplièrent ; des moulins, des forges, des tanneries, des tissages s’établirent ; des routes s’ouvrirent à travers les bois et les marais ; le fleuve se couvrit de bateaux. Les villages devinrent de gros bourgs et, réunis les uns aux autres, formèrent une ville qui se protégea par des fossés profonds et de hautes murailles. Plus tard, capitale d’un grand État, elle se trouva à l’étroit dans ses remparts dé-