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Le général Débonnaire croyait qu’une entrée en campagne était imminente ; il s’y préparait. Loin de craindre la guerre, il l’appelait de ses vœux et confiait ses généreuses espérances à la baronne de Bildermann, qui en avertissait la nation voisine qui, sur son avis, procédait à une mobilisation rapide.

Le ministre des finances, sans le vouloir, précipita les événements. En ce moment il jouait à la baisse : pour déterminer une panique, il fit courir à la Bourse le bruit que la guerre était désormais inévitable. L’empereur voisin, trompé par cette manœuvre et s’attendant à voir son territoire envahi, mobilisa ses troupes en toute hâte. La Chambre épouvantée renversa le ministère Visire à une énorme majorité (814 voix contre 7 et 28 abstentions). Il était trop tard ; le jour même de cette chute, la nation voisine et ennemie rappelait son ambassadeur et jetait huit millions d’hommes dans la patrie de madame Cérès ; la guerre devint universelle et le monde entier fut noyé dans des flots de sang.