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Céline Visire, la lança dans la grande vie, lui ménagea des liaisons avec des hommes et des femmes étranges et lui procura des engagements dans des cafés-concerts. Bientôt, à son instigation, elle joua en des Eldorados des pantomimes unisexuelles, sous les huées. Une nuit d’été, elle exécuta, sur une scène des Champs-Élysées, devant une foule en tumulte, des danses obscènes, aux sons d’une musique enragée qu’on entendait jusque dans les jardins où le président de la république donnait une fête à des rois. Le nom de Visire, associé à ces scandales, couvrait les murs de la ville, emplissait les journaux, volait sur des feuilles à vignettes libertines par les cafés et les bals, éclatait sur les boulevards en lettres de feu.

Personne ne rendit le président du conseil responsable de l’indignité de sa parente ; mais on prenait mauvaise idée de sa famille et le prestige de l’homme d’État s’en trouva diminué.

Il eut presque aussitôt une alerte assez vive. Un jour à la Chambre, sur une simple question, le ministre de l’instruction publique et des cultes, Labillette, souffrant du foie et que les prétentions et les intrigues du clergé commençaient à exaspérer, menaça de fermer la chapelle de Sainte-Orberose et parla sans respect de la vierge nationale. La droite se dressa tout entière indignée ; la gauche parut soutenir à contre-cœur le ministre