Page:Anatole France - L’Île des Pingouins.djvu/392

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sions, la mettre en état de vérifier par elle-même l’infidélité et la trahison. Il avait au ministère des agents très sûrs, chargés de recherches secrètes intéressant la défense nationale et qui précisément surveillaient alors des espions qu’une puissance voisine et ennemie entretenait jusque dans les postes et télégraphes de la république. M. Cérès leur donna l’ordre de suspendre leurs investigations et de s’enquérir où, quand et comment M. le ministre de l’intérieur voyait mademoiselle Lysiane. Les agents accomplirent fidèlement leur mission et instruisirent le ministre qu’ils avaient plusieurs fois surpris M. le président du Conseil avec une femme, mais que ce n’était pas mademoiselle Lysiane. Hippolyte Cérès ne leur en demanda pas davantage. Il eut raison : Les amours de Paul Visire et de Lysiane n’étaient qu’un alibi imaginé par Paul Visire lui-même, à la satisfaction d’Éveline, importunée de sa gloire et qui soupirait après l’ombre et le mystère.

Ils n’étaient pas filés seulement par les agents du ministère des postes ; ils l’étaient aussi par ceux du préfet de police et par ceux mêmes du ministère de l’intérieur qui se disputaient le soin de les protéger ; ils l’étaient encore par ceux de plusieurs agences royalistes, impérialistes et cléricales, par ceux de huit ou dix officines de chantage, par quelques policiers amateurs, par une multitude de reporters et par une foule de photographes qui,