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l’aimait encore ; il ne se consolait pas de l’avoir perdue et, bien souvent, dans un cabinet particulier, au milieu des filles qui riaient en suçant des écrevisses, les deux ministres, échangeant un regard plein de leurs douleurs, essuyaient une larme.

Hippolyte Cérès, bien que frappé au cœur, ne se laissait point abattre. Il fit serment de se venger.

Madame Paul Visire, que sa déplorable santé retenait chez ses parents, au fond d’une sombre province, reçut une lettre anonyme, spécifiant que M. Paul Visire, qui s’était marié sans un sou, mangeait avec une femme mariée, E… C… (cherchez !) sa dot, à elle madame Paul, donnait à cette femme des autos de trente mille francs, des colliers de perles de quatre-vingt mille et courait à la ruine, au déshonneur et à l’anéantissement. Madame Paul Visire lut, tomba d’une attaque de nerfs et tendit la lettre à son père.

— Je vais lui frotter les oreilles, à ton mari, dit M. Blampignon ; c’est un galopin qui, si l’on n’y prend garde, te mettra sur la paille. Il a beau être président du Conseil, il ne me fait pas peur.

Au sortir du train M. Blampignon se présenta au ministère de l’intérieur et fut reçu tout de suite. Il entra furieux dans le cabinet du président.

— J’ai à vous parler, monsieur !