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démocratie. Ils ne peuvent s’enrichir que dans les périodes de grandes affaires, et se trouvent alors en butte à l’envie de leurs collègues moins favorisés. Hippolyte Cérès prévoyait pour un temps prochain une période de grandes affaires ; il était de ceux qui en préparaient la venue ; en attendant il supportait dignement une pauvreté dont Éveline, en la partageant, souffrait moins qu’on eût pu croire. Elle était en rapports constants avec le révérend père Douillard et fréquentait la chapelle de Sainte-Orberose où elle trouvait une société sérieuse et des personnes capables de lui rendre service. Elle savait les choisir et ne donnait sa confiance qu’à ceux qui la méritaient. Elle avait gagné de l’expérience depuis ses promenades dans l’auto du vicomte Cléna, et surtout elle avait acquis le prix d’une femme mariée.

Le député s’inquiéta d’abord de ces pratiques pieuses que raillaient les petits journaux démagogiques ; mais il se rassura bientôt en voyant autour de lui tous les chefs de la démocratie se rapprocher avec joie de l’aristocratie et de l’Église.

On se trouvait dans une de ces périodes (qui revenaient souvent) où l’on s’apercevait qu’on était allé trop loin. Hippolyte Cérès en convenait avec mesure. Sa politique n’était pas une politique de persécution, mais une politique de tolérance. Il en avait posé les bases dans son magnifique discours sur la préparation des réformes. Le ministère