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pour un portefeuille dans la prochaine combinaison ministérielle.

Après une longue hésitation, Éveline Clarence accepta l’idée d’épouser M. Hippolyte Cérès. Pour son goût, le grand homme était un peu commun ; rien ne prouvait encore qu’il atteindrait un jour le point où la politique rapporte de grosses sommes d’argent ; mais elle entrait dans ses vingt-sept ans et connaissait assez la vie pour savoir qu’il ne faut pas être trop dégoûtée ni se montrer trop exigeante.

Hippolyte Cérès était célèbre ; Hippolyte Cérès était heureux. On ne le reconnaissait plus ; les élégances de ses habits et de ses manières augmentaient terriblement ; il portait des gants blancs avec excès ; maintenant, trop homme du monde, il faisait douter Éveline si ce n’était pas pis que de l’être trop peu. Madame Clarence regarda favorablement ces fiançailles, rassurée sur l’avenir de sa fille et satisfaite d’avoir tous les jeudis des fleurs pour son salon.

La célébration du mariage souleva toutefois des difficultés. Éveline était pieuse et voulait recevoir la bénédiction de l’Église. Hippolyte Cérès, tolérant mais libre penseur, n’admettait que le mariage civil. Il y eut à ce sujet des discussions et même des scènes déchirantes. La dernière se déroula dans la chambre de la jeune fille, au moment de rédiger les lettres d’invitation. Éve-