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notamment l’attention d’un jeune diplomate nommé Roger Lambilly qui, s’imaginant qu’elle appartenait à un monde facile, lui donna rendez-vous dans sa garçonnière. Elle le trouvait beau et le croyait riche : elle alla chez lui. Un peu émue, presque troublée, elle faillit être victime de son courage, et n’évita sa défaite que par une manœuvre offensive, audacieusement exécutée. Ce fut la plus grande folie de sa vie de jeune fille.

Entrée dans l’intimité des ministres et du président, Éveline y portait des affectations d’aristocratie et de piété qui lui acquirent la sympathie du haut personnel de la république anticléricale et démocratique. M. Hippolyte Cérès, voyant qu’elle réussissait et lui faisait honneur, l’en aimait davantage ; il en devint éperdument amoureux.

Dès lors, elle commença malgré tout à l’observer avec intérêt, curieuse de voir si cela augmentait. Il lui paraissait sans élégance, sans délicatesse, mal élevé, mais actif, débrouillard, plein de ressources et pas très ennuyeux. Elle se moquait encore de lui, mais elle s’occupait de lui.

Un jour elle voulut mettre son sentiment à l’épreuve.

C’était en période électorale, pendant qu’il sollicitait, comme on dit, le renouvellement de son