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CHAPITRE III

LA TENTATION DE SAINT MAËL


Le bienheureux Maël avait à peine rétabli l’ordre dans l’abbaye d’Yvern quand il apprit que les habitants de l’île d’Hœdic, ses premiers catéchumènes, et de tous les plus chers à son cœur, étaient retournés au paganisme et qu’ils suspendaient des couronnes de fleurs et des bandelettes de laine aux branches du figuier sacré.

Le batelier qui portait ces douloureuses nouvelles exprima la crainte que bientôt ces hommes égarés ne détruisissent par le fer et par le feu la chapelle élevée sur le rivage de leur île.

Le saint homme résolut de visiter sans retard ses enfants infidèles afin de les ramener à la foi et d’empêcher qu’ils ne se livrassent à des violences sacrilèges. Comme il se rendait à la baie sauvage où son auge de pierre était mouillée, il tourna ses regards sur les chantiers qu’il avait établis trente ans auparavant, au fond de cette