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œuvre : rétablir sainte Orberose dans ses prérogatives de patronne de la Pingouinie et lui consacrer, sur une des collines qui dominent la cité, une église monumentale. Un succès prodigieux avait couronné ses efforts, et pour l’accomplissement de cette entreprise nationale, il réunissait plus de cent mille adhérents et plus de vingt millions de francs.

C’est dans le chœur de Saint-Maël que se dresse reluisante d’or, étincelante de pierreries, entourée de cierges et de fleurs, la nouvelle châsse de sainte Orberose.

Voici ce qu’on lit dans l’Histoire des miracles de la patronne d’Alca, par l’abbé Plantain :

« L’ancienne châsse fut fondue pendant la Terreur et les précieux restes de la sainte jetés dans un feu allumé sur la place de Grève ; mais une pauvre femme, d’une grande piété, nommée Rouquin, alla, de nuit, au péril de sa vie, recueillir dans le brasier les os calcinés et les cendres de la bienheureuse ; elle les conserva dans un pot de confiture et, lors du rétablissement du culte, les porta au vénérable curé de Saint-Maël. La dame Rouquin finit pieusement ses jours dans la charge de vendeuse de cierges et de loueuse de chaises en la chapelle de la sainte. »

Il est certain que, du temps du père Douillard, au déclin de la foi, le culte de sainte Orberose, tombé depuis trois cents ans sous la critique du