irritable et chagrin et, s’il ouvrait un journal, sa face rose et pleine se tourmentait de plis douloureux et s’assombrissait des pourpres de la colère. Pyrot en était la cause. Le conseiller Chaussepied ne pouvait comprendre qu’un officier eût commis une action si noire, que de livrer quatre-vingt mille bottes de foin militaire à une nation voisine et ennemie ; et il concevait encore moins que le scélérat eût trouvé des défenseurs officieux en Pingouinie. La pensée qu’il existait dans sa patrie un Pyrot, un colonel Hastaing, un Colomban, un Kerdanic, un Phœnix, lui gâtait ses jacinthes, son violon, le ciel et la terre, toute la nature et ses dîners chez les demoiselles Helbivore.
Or, le procès Pyrot étant porté par le garde des sceaux devant la cour suprême, ce fut le conseiller Chaussepied à qui il échut de l’examiner et d’en découvrir les vices, au cas où il en existât. Bien qu’intègre et probe autant qu’on peut l’être et formé par une longue habitude à exercer sa magistrature sans haine ni faveur, il s’attendait à trouver dans les documents qui lui seraient soumis les preuves d’une culpabilité certaine et d’une perversité tangible. Après de longues difficultés et les refus réitérés du général van Julep, le conseiller Chaussepied obtint communication des dossiers. Cotés et paraphés, ils se trouvèrent au nombre de quatorze millions six cent vingt six mille trois cent douze. En les étudiant,