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Sauvons la Pingouinie ! s’élancèrent impétueusement hors de la basilique et marchèrent, par les quais du fleuve, sur la Chambre des députés.

Resté seul dans la nef désertée, le sage Cornemuse, levant les bras au ciel, murmura d’une voix brisée :

Agnosco fortunam ecclesiae pinguicanae ! Je ne vois que trop où tout cela nous conduira.

L’assaut que donna la foule sainte au palais législatif fut repoussé. Vigoureusement chargés par les brigades noires et les gardes d’Alca, les assaillants fuyaient en désordre quand les camarades accourus des faubourgs, ayant à leur tête Phœnix, Dagobert, Lapersonne et Varambille, se jetèrent sur eux et achevèrent leur déconfiture. MM. de la Trumelle et d’Ampoule furent traînés au poste. Le prince des Boscénos, après avoir lutté vaillamment, tomba la tête fendue sur le pavé ensanglanté.

Dans l’enthousiasme de la victoire, les camarades, mêlés à d’innombrables camelots, parcoururent, toute la nuit, les boulevards, portant Maniflore en triomphe et brisant les glaces des cafés et les vitres des lanternes aux cris de : « À bas Crucho ! Vive la sociale ! » Les antipyrots passaient à leur tour, renversant les kiosques des journaux et les colonnes de publicité.

Spectacles auxquels la froide raison ne saurait applaudir et propres à l’affliction des édiles sou-