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et qu’elle se perd et s’abîme elle-même quand elle se détourne de la voie que la Providence lui a tracée et du but qu’elle lui a assigné.

Faisant application de ces règles sacrées au gouvernement de la Pingouinie, il traça un tableau effroyable des maux que les maîtres de ce pays n’avaient su ni prévoir ni empêcher.

— Le premier auteur de tant de misères et de hontes, dit-il, vous ne le connaissez que trop, mes frères. C’est un monstre dont le nom annonce providentiellement la destinée, car il est tiré du grec pyros, qui veut dire feu, la sagesse divine, qui parfois est philologue, nous avertissant par cette étymologie qu’un juif devait allumer l’incendie dans la contrée qui l’avait accueilli.

Il montra la patrie, persécutée par les persécuteurs de l’Église, s’écriant sur son calvaire : « Ô douleur ! ô gloire ! Ceux qui ont crucifié mon dieu me crucifient ! »

À ces mots un long frémissement agita l’auditoire.

Le puissant orateur souleva plus d’indignation encore en rappelant l’orgueilleux Colomban, plongé, noir de crimes, dans le fleuve dont toute l’eau ne le lavera pas. Il ramassa toutes les humiliations, tous les périls de la Pingouinie pour en faire un grief au président de la république et à son premier ministre.

— Ce ministre, dit-il, ayant commis une lâcheté