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cause est juste. Je crains qu’il n’y ait là un fâcheux abus de mots et une dangereuse équivoque. Car la justice sociale n’est pas la justice révolutionnaire. Elles sont toutes deux en antagonisme perpétuel : servir l’une, c’est combattre l’autre. Quant à moi, mon choix est fait : je suis pour la justice révolutionnaire contre la justice sociale. Et pourtant, dans le cas présent, je blâme l’abstention. Je dis que lorsque le sort favorable vous apporte une affaire comme celle-ci, il faudrait être des imbéciles pour ne pas en profiter.

» Comment ? l’occasion nous est offerte d’asséner au militarisme des coups terribles, peut-être mortels. Et vous voulez que je me croise les bras ? Je vous en avertis, camarades ; je ne suis pas un fakir ; je ne serai jamais du parti des fakirs ; s’il y a ici des fakirs, qu’ils ne comptent pas sur moi pour leur tenir compagnie. Se regarder le nombril est une politique sans résultats, que je ne ferai jamais.

» Un parti comme le nôtre doit s’affirmer sans cesse ; il doit prouver son existence par une action continue. Nous interviendrons dans l’affaire Pyrot ; mais nous y interviendrons révolutionnairement ; nous exercerons une action violente… Croyez-vous donc que la violence soit un vieux procédé, une invention surannée, qu’il faille mettre au rancart avec les diligences, la presse à bras et le télégraphe aérien ? Vous êtes