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» Camarades, il y a un degré où l’infamie devient mortelle pour une société ; la bourgeoisie pingouine étouffe dans son infamie, et l’on vous demande de la sauver, de rendre l’air respirable autour d’elle. C’est se moquer de vous.

» Laissons-la crever, et regardons avec un dégoût plein de joie ses dernières convulsions, en regrettant seulement qu’elle ait si profondément corrompu le sol où elle a bâti, que nous n’y trouverons qu’une boue empoisonnée pour poser les fondements d’une société nouvelle. »

Sapor ayant terminé son discours, le camarade Lapersonne prononça ce peu de mots :

— Phœnix nous appelle au secours de Pyrot pour cette raison que Pyrot est innocent. Il me semble que c’est une bien mauvaise raison. Si Pyrot est innocent, il s’est conduit en bon militaire et il a toujours fait consciencieusement son métier, qui consiste principalement à tirer sur le peuple. Ce n’est pas un motif pour que le peuple prenne sa défense, en bravant tous les périls. Quand il me sera démontré que Pyrot est coupable et qu’il a volé le foin de l’armée, je marcherai pour lui.

Le camarade Larrivée prit ensuite la parole :

— Je ne suis pas de l’avis de mon ami Phœnix ; je ne suis pas non plus de l’avis de mon ami Sapor ; je ne crois pas que le parti doive embrasser une cause dès qu’on nous dit que cette