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CHAPITRE VI

LES SEPT CENTS PYROTS


Les sept cents pyrots inspiraient au public une aversion croissante. Chaque jour, dans les rues d’Alca, on en assommait deux ou trois ; l’un d’eux fut fessé publiquement, un autre jeté dans la rivière ; un troisième, enduit de goudron, roulé dans des plumes et promené sur les boulevards à travers une foule hilare ; un quatrième eut le nez coupé par un capitaine de dragons. Ils n’osaient plus se montrer à leur cercle, au tennis, aux courses ; ils se dissimulaient pour aller à la Bourse. Dans ces circonstances il parut urgent au prince des Boscénos de refréner leur audace et de réprimer leur insolence. S’étant, à cet effet, réuni au comte Cléna, à M. de la Trumelle, au vicomte Olive, à M. Bigourd, il fonda avec eux la grande association des antipyrots à laquelle les citoyens par centaines de mille, les soldats par compagnies, par régiments, par brigades, par divisions,