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autres affirment qu’il est innocent, et je ne saisis pas bien les motifs qui poussent les uns et les autres à s’occuper d’une affaire qui ne les regarde pas.

Le pieux Agaric demanda vivement :

— Vous ne doutez pas du crime de Pyrot ?

— Je n’en puis douter, très cher Agaric, répondit le religieux des Conils ; ce serait contraire aux lois de mon pays, qu’il faut respecter tant qu’elles ne sont pas en opposition avec les lois divines. Pyrot est coupable puisqu’il est condamné. Quant à en dire davantage pour ou contre sa culpabilité, ce serait substituer mon autorité à celle des juges, et je me garderai bien de le faire. C’est d’ailleurs inutile, puisque Pyrot est condamné. S’il n’est pas condamné parce qu’il est coupable, il est coupable parce qu’il est condamné ; cela revient au même. Je crois à sa culpabilité comme tout bon citoyen doit y croire ; et j’y croirai tant que la justice établie m’ordonnera d’y croire, car il n’appartient pas à un particulier, mais au juge, de proclamer l’innocence d’un condamné. La justice humaine est respectable jusque dans les erreurs inhérentes à sa nature faillible et bornée. Ces erreurs ne sont jamais irréparables ; si les juges ne les réparent pas sur la terre, Dieu les réparera dans le ciel. D’ailleurs j’ai grande confiance en ce général Greatauk, qui me semble plus intel-