Page:Anatole France - L’Île des Pingouins.djvu/275

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Maubec était d’une illustre famille, alliée aux Draconides. Il n’y a rien que les démocraties estiment plus que la noblesse de naissance. Maubec avait servi dans l’armée pingouine et les Pingouins, depuis qu’ils étaient tous soldats, aimaient leur armée jusqu’à l’idolâtrie. Maubec avait, sur les champs de bataille, reçu la croix, qui est le signe de l’honneur chez les Pingouins, et qu’ils préfèrent même au lit de leurs épouses. Toute la Pingouinie se déclara pour Maubec et la voix du peuple, qui commençait à gronder, réclama des châtiments sévères contre les septs cents pyrots calomniateurs.

Maubec était gentilhomme : il défia les sept cents pyrots à l’épée, au sabre, au pistolet, à la carabine, au bâton.

« Sales youpins, leur écrivit-il dans une lettre fameuse, vous avez crucifié mon Dieu et vous voulez ma peau ; je vous préviens que je ne serai pas aussi couillon que lui et que je vous couperai les quatorze cents oreilles. Recevez mon pied dans vos sept cents derrières. »

Le chef du gouvernement était alors un villageois nommé Robin Mielleux, homme doux aux riches et aux puissants et dur aux pauvres gens, de petit courage et ne connaissant que son intérêt. Par une déclaration publique, il se porta garant de l’innocence et de l’honneur de Maubec et déféra les sept cents pyrots aux tribunaux correc-