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CHAPITRE II

PYROT


Toute la Pingouinie apprit avec horreur le crime de Pyrot ; en même temps, on éprouvait une sorte de satisfaction à savoir que ce détournement, compliqué de trahison et confinant au sacrilège, avait été commis par un petit juif. Pour comprendre ce sentiment, il faut connaître l’état de l’opinion publique à l’égard des grands et des petits juifs. Comme nous avons eu déjà l’occasion de le dire dans cette histoire, la caste financière, universellement exécrée et souverainement puissante, se composait de chrétiens et de juifs. Les juifs qui en faisaient partie, et sur lesquels le peuple ramassait toute sa haine, étaient les grands juifs ; ils possédaient d’immenses biens et détenaient, disait-on, plus d’un cinquième de la fortune pingouine. En dehors de cette caste redoutable, il se trouvait une multitude de petits juifs d’une condition médiocre, qui n’étaient pas plus aimés