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qu’il nous faut ! À bas les députés ! À bas la république ! Mort aux chosards ! » Le bataillon sacré des dracophiles, conduit par le prince des Boscénos, entonna le cantique auguste :

Vive Crucho,
Vaillant et sage,
Plein de courage
Dès le berceau !

Derrière le mur le silence seul répondait.

Ce silence et l’absence de gardes encourageait et effrayait tout à la fois la foule. Soudain, une voix formidable cria :

— À l’assaut !

Et l’on vit le prince des Boscénos dressant sur le mur armé de pointes et d’artichauts de fer sa forme gigantesque. Derrière lui ses compagnons s’élancèrent et le peuple suivit. Les uns frappaient dans le mur pour y faire des trous, d’autres s’efforçaient de desceller les artichauts et d’arracher les pointes. Ces défenses avaient cédé par endroits. Quelques envahisseurs chevauchaient déjà le pignon dégarni. Le prince des Boscénos agitait un immense drapeau vert. Tout à coup la foule oscilla et il en sortit un long cri de terreur. La garde de police et les carabiniers de la république, sortant à la fois par toutes les issues du palais, se formaient en colonne sous le mur en un moment désassiégé. Après une longue minute d’attente, on entendit un bruit d’armes, et la