Page:Anatole France - L’Île des Pingouins.djvu/249

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le comte Olive conseilla de faire un dernier appel de fonds et de tenter un grand coup tandis qu’Alca fermentait encore.

Un comité exécutif, qui s’était lui-même élu, décida d’enlever la Chambre des députés et avisa aux voies et moyens.

L’affaire fut fixée au 28 juillet. Ce jour-là le soleil se leva radieux sur la ville. Devant le palais législatif les ménagères passaient avec leurs paniers, les marchands ambulants criaient les pêches, les poires et les raisins, et les chevaux de fiacre, le nez dans leur musette, broyaient leur avoine. Personne ne s’attendait à rien ; non que le secret eût été gardé, mais la nouvelle n’avait trouvé que des incrédules. Personne ne croyait à une révolution, d’où l’on pouvait induire que personne n’en souhaitait une. Vers deux heures, les députés commencèrent à passer, rares, inaperçus, sous la petite porte du palais. À trois heures, quelques groupes d’hommes mal habillés se formèrent. À trois heures et demie des masses noires, débouchant des rues adjacentes, se répandirent sur la place de la Révolution. Ce vaste espace fut bientôt submergé par un océan de chapeaux mous, et la foule des manifestants, sans cesse accrue par les curieux, ayant franchi le pont, battait de son flot sombre les murs de l’enceinte législative. Des cris, des grondements, des chants montaient vers le ciel serein. « C’est Chatillon