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Le révérend père posa sur la table un sac que lui avait remis, les larmes aux yeux, le distillateur des Conils.

— Topez là, firent les trois compagnons.

Ainsi fut scellé ce pacte solennel.

Aussitôt que le moine fut parti, emportant la joie d’avoir acquis à sa cause les masses profondes, Dagobert, Tronc et Balafille sifflèrent leurs femmes, Amélie, Reine et Mathilde, qui, dans la rue, guettaient le signal, et tous les six, se tenant par la main, dansèrent autour du sac en chantant :

J’ai du bon pognon ;
Tu n’ l’auras pas, Chatillon !
Hou ! hou ! la calotte !

Et ils commandèrent un saladier de vin chaud.

Le soir, ils allèrent tous les six, de troquet en troquet, modulant leur chanson nouvelle. Elle plut, car les agents de la police secrète rapportèrent que le nombre croissait chaque jour des ouvriers chantant dans les faubourgs :

J’ai du bon pognon ;
Tu n’ l’auras pas, Chatillon !
Hou ! hou ! la calotte !

L’agitation dracophile ne s’était pas propagée dans les provinces. Le pieux Agaric en cherchait la raison, sans pouvoir la découvrir, quand le vieillard Cornemuse vint la lui révéler.

— J’ai acquis la preuve, soupira le religieux