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CHAPITRE V

LE PRINCE DES BOSCÉNOS


Matin et soir, les journaux aux gages des dracophiles publiaient les louanges de Chatillon et jetaient la honte et l’opprobre aux ministres de la république.

On criait le portrait de Chatillon sur les boulevards d’Alca. Les jeunes neveux de Rémus, qui portent des figures de plâtre sur la tête, vendaient, à l’abord des ponts, les bustes de Chatillon.

Chatillon faisait tous les soirs, sur son cheval blanc, le tour de la prairie de la Reine, fréquentée des gens à la mode. Les dracophiles apostaient sur le passage de l’émiral une multitude de Pingouins nécessiteux, qui chantaient : « C’est Chatillon qu’il nous faut ». La bourgeoisie d’Alca en concevait une admiration profonde pour l’émiral. Les dames du commerce murmuraient : « Il est beau ». Les femmes élégantes, dans leurs autos