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émiral, permettez-moi de vous le dire, sont bien loin d’égaler vos mérites. Si vos services étaient récompensés, vous seriez émiralissime et généralissime, commandant supérieur des troupes de terre et de mer. La république est bien ingrate à votre égard.

— Tous les gouvernements sont plus ou moins ingrats.

— Oui, mais les chosards sont jaloux de vous. Ces gens-là craignent toutes les supériorités. Ils ne peuvent souffrir les militaires. Tout ce qui touche la marine et l’armée leur est odieux. Ils ont peur de vous.

— C’est possible.

— Ce sont des misérables. Ils perdent le pays. Ne voulez-vous pas sauver la Pingouinie ?

— Comment cela ?

— En balayant tous ces fripons de la chose publique, tous les chosards.

— Qu’est-ce que vous me proposez là, chère madame ?

— De faire ce qui se fera certainement. Si ce n’est pas par vous, ce sera par un autre. Le généralissime, pour ne parler que de celui-là, est prêt à jeter tous les ministres, tous les députés et tous les sénateurs dans la mer et à rappeler le prince Crucho.

— Ah ! la canaille, la crapule ! s’écria l’émiral.

— Ce qu’il ferait contre vous, faites-le contre