Page:Anatole France - L’Île des Pingouins.djvu/23

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Tapir, d’un nez attentif, observait le cataclysme ; il en reconnut la cause et pâlit d’épouvante.

— Que d’art ! s’écria-t-il.

Je l’appelai, je me penchai pour l’aider à gravir l’échelle qui pliait sous l’averse. Il était trop tard. Maintenant, accablé, désespéré, lamentable, ayant perdu sa calotte de velours et ses lunettes d’or, il opposait en vain ses bras courts au flot qui lui montait jusqu’aux aisselles. Soudain une trombe effroyable de fiches s’éleva, l’enveloppant d’un tourbillon gigantesque. Je vis durant l’espace d’une seconde dans le gouffre le crâne poli du savant et ses petites mains grasses, puis l’abîme se referma, et le déluge se répandit sur le silence et l’immobilité. Menacé moi-même d’être englouti avec mon échelle, je m’enfuis à travers le plus haut carreau de la croisée.

Quiberon, 1er septembre 1907.